Néanderthal, première victime d’une communication projet ratée

Maudits utilisateurs… Satanés développeurs !

Avez-vous remarqué comme nombre de projets commencent en fanfare, pour se terminer 6 mois plus tard à couteaux tirés ?

Pourquoi ? Parce que chacun a son propre métier, avec :

  • son vocabulaire
  • son fonctionnement
  • ses habitudes

Et si chacun ne cherche pas à comprendre l’autre, le projet se terminera à coup sûr dans les choux.

Comment remédier à ces incompréhensions ? C’est simple : en présentant clairement ses enjeux et en recherchant le compromis par la communication.

Pour bien comprendre, imaginons l’entreprise comme la dernière tribu de Néanderthal. Nous la retrouvons alors qu’elle campe gaiement au bord d’une rivière au fond d’une vallée.

Mais son chef, Raoul Pierqui, a un problème : la recrudescence des tigres à dents de sabres a fait plusieurs victimes au sein de sa tribu. Raoul veut abriter sa tribu. Il va donc voir Agathe Lecaillou, la responsable des creuseurs de cavernes.

Le projet vu du côté métier


Raoul n’y va pas par quatre chemins :

Creuse-moi une caverne pour 60 familles dans cette montagne !

Mais avant de commencer, Agathe a plein de questions :

– Pourquoi ne pas utiliser une caverne déjà toute faite ?

– Pourquoi creuser pour 60 familles alors que notre tribu n’en compte que 12 ?

– Pourquoi ne pas faire plusieurs petites cavernes familiales ? »

Mais Raoul sait ce qu’il veut : une caverne neuve, durable, qui puisse accueillir toute son espèce, au moins jusqu’à la conquête de la Lune. Autant prévoir grand, et puis c’est lui le chef de la tribu, nom d’un chien-loup !

Désireux d’avancer, Raoul demande :

Quand est-ce que vous commencez ? Il ne devrait pas vous falloir plus d’un ou deux soleils pour terminer la caverne.

Après tout, tout le monde sait bien tailler un silex dans la tribu, alors creuser une caverne ne peut pas être si complexe que ça ! Mais, alors que le besoin est clair comme de l’eau de roche, Agathe fait une liste interminable de tâches préparatoires : trouver un site propice, amener les outils, faire les plans…

Le projet commence néanmoins. Les travaux avancent, quand une nouvelle menace surgit : une tribu appelée « Homo sapiens » se développe dans les vallées voisines. S’enfermer dans une caverne semble désormais risqué, il faut donc une solution de repli.

Raoul en fait part à Agathe :

Il nous faut un tunnel de secours qui débouche à l’opposé de la rivière.

Mais Agathe lui oppose fin de non-recevoir :

C’est techniquement impossible !

Raoul n’est pas content : il n’a jamais été prévenu de ces limitations techniques. En outre, Agathe ne cesse de poser des questions :

– Faut-il des lits en pierre ou une paillasse ?

– Quelle finition pour le sol ?

Les réponses sont évidentes, une paillasse, un sol plan ! A toutes ces questions, Raoul n’a donc qu’une seule réponse :

Finissez au mieux, et surtout : VITE !

Enfin, Agathe demande de tester. Raoul ne comprend pas :

Tester ? Que veut-elle que je vérifie ? Une caverne est juste un trou dans la roche !

Le projet vu du côté technique

Quand Raoul vient la voir avec son projet de caverne, Agathe réfléchit à des changements simples qui permettraient à la tribu d’habiter la caverne plus rapidement :

– Réutiliser une caverne existante des environs

– Creuser une caverne plus petite

– Creuser plusieurs petites cavernes familiales au lieu d’une gigantesque grotte

C’est qu’Agathe a tout de suite pensé à la difficulté d’évider toute une montagne, au temps que cela prendra et au coût du projet en aurochs laineux.

Mais sur tous ces sujets, Raoul est intransigeant. Sa seule préoccupation est de savoir quand la caverne peut être terminée. Et quelle que soit la réponse d’Agathe, c’est toujours trop : il veut voir quelque chose, tout de suite. Il faut pourtant bien choisir un site propice, amener les outils, faire les plans… Carnac ne s’est pas faite en un soleil !

Le projet commence néanmoins. Les travaux avancent, quand Raoul vient voir Agathe :

Il nous faut un tunnel de secours qui débouche à l’opposé de la rivière.

Agathe est abasourdie :

Un tunnel secondaire qui traverse la montagne, mais c’est un travail de mammouth ! Et la caverne risque de s’effondrer entièrement !

En outre, Agathe a besoin de clarifier de nombreux points du projet initial :

– Faut-il des lits en pierre dure, ou une paillasse plus confortable ?

– Que fait-on pour les silex acérés qui dépassent partout du sol ?

– …

Raoul ne veut rien entendre, il répond systématiquement :

Finissez au mieux, et surtout : VITE !

Comme Agathe a l’habitude de dormir sur une couche en pierre, conseillée par le guérisseur pour ses lombaires fragiles, elle fait la même chose pour tout le monde. Et tant pis pour les silex qui dépassent : on n’a pas le temps.

Enfin, Agathe demande de tester. Raoul entre dans la caverne, regarde les murs, le plafond, puis il s’en va : donc tout cela lui convient, en déduit Agathe.

La livraison du projet

Toute la tribu se rend alors dans la caverne terminée :

  • les premiers entrés se découpent les pieds sur les silex qui dépassent du sol
  • les suivants se plaignent de l’absence de paillasses
  • les derniers démarrent un grand feu pour pendre la broche à mammouth, dont la fumée remplit rapidement toute la caverne, contraignant tout le monde à l’évacuer

Conclusion des creuseurs de cavernes : le projet est raté à cause de Raoul Pierqui, le chef de la tribu.

Conclusion du chef de la tribu : le projet est raté à cause d’Agathe Lecaillou et de ses creuseurs de cavernes.

Le dénouement du projet

Le projet est donc abandonné, les ressources dépensées pour sa construction sont perdues. Pendant ce temps, la tribu d’Homo sapiens a quitté l’âge de pierre pour atteindre celui du fer. Elle lance une attaque surprise, remporte la bataille et devient la seule espèce humaine du monde.

Qui avait tort ? Qui avait raison ? Qu’importe ! Néanderthal a disparu.

Cette histoire nous apprend qu’une mauvaise communication au sein d’un projet fait peser un risque sur toute l’entreprise.

Pour éviter que ce sort n’emporte également votre entreprise, vous devez mener vos projets différemment. Comment ?

1) Creusez vos besoins jusqu’à identifier ce qui est vraiment nécessaire

Dans notre exemple, abriter sa tribu dans une caverne est la solution à un besoin. Mais le besoin véritable est de protéger la tribu ! En discutant avec toutes les parties prenantes, d’autres solutions peuvent répondre à ce besoin :

  • construire une palissade
  • trouver un site naturel mieux défendu
  • développer de nouvelles armes
  • etc.

Notez qu’en identifiant correctement le besoin fondamental, on débouche sur des solutions plus universelles : protéger la tribu répond à la fois au danger des tigres à dents de sabre et au danger de la tribu rivale.

2) Concevez votre projet

Concevoir un projet est souvent vu comme une étape de discussion inutile, invisible et coûteuse. Pourtant, ce sont les fondations du projet. On ne les reverra jamais au terme du projet, mais si elles ne sont pas là, le projet ressemblera à la tour de Pise : joli, mais perpétuellement au bord de l’effondrement.

3) Elaborez votre projet petit à petit

N’ayez pas les yeux plus gros que le ventre. Prenez en compte les retours de l’équipe technique sur la complexité et le temps nécessaire à chaque tâche. Commencez petit, puis faites grossir votre projet peu à peu.

Ainsi, vous démultipliez le temps et le budget nécessaires. Et vous gagnez en flexibilité si votre projet doit être réorienté en cours de route vers une nouvelle technologie, par exemple l’âge de fer !

4) Testez votre projet livré

Tester est un travail commun entre le commanditaire du projet et son constructeur. S’il y a des malfaçons, se pointer mutuellement du doigt ne va pas les résoudre !

Il faut donc travailler ensemble à les identifier et les corriger : ajouter des paillasses si nécessaire, raboter les silex tranchants, etc. En élaborant son projet petit à petit, on peut corriger ces malfaçons pendant le pilote, et ne pas les reproduire dans les itérations suivantes !

Que faut-il retenir ?

Un projet est avant tout humain ! Discutez, communiquez, échangez, valorisez les participations de chacun. Après tout, nous sommes tous de la même tribu !

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