C’est l’histoire d’un mail…
Tout a commencé par un e-mail un peu anodin : les éditions ENI cherchent un auteur pour un livre sur la gestion de projet. Leur objectif : créer un livre généraliste, méthodologique mais pragmatique, destiné à des gens dont ce n’est pas le métier (patron de PME, directeur administratif, RH, etc.).
On a plusieurs échanges téléphoniques, avec la responsable des relations auteurs puis avec la directrice éditoriale d’ENI. Objectif : me décourager d’écrire un livre. Hé, minute… me décourager avant même de commencer ? Hé bien oui, parce qu’écrire un livre, c’est beaucoup d’investissement, sur beaucoup de temps, et tout seul.
L’objectif de ce premier contact pour l’éditeur, c’est donc de jauger l’auteur potentiel pour s’assurer qu’il est capable, et qu’il ira jusqu’au bout du projet. Je connais le sujet, je sais écrire et j’ai déjà des lecteurs : ce sont trois éléments qui font que je suis retenu.
L’essai (comme au cinéma)
A moi les galas littéraires et les inaugurations de bibliothèques à mon nom à travers le monde ! Ha non en fait, il faut d’abord écrire un essai, avant même de signer le contrat : le monde de l’édition est sans pitié.
Je dois donc rendre à peu de choses près une rédaction de 10 pages sur le thème « La gestion de projet au XXIe siècle ». Ainsi qu’une table des matières pour confirmer que la maison d’édition et moi avons la même vision du projet.
Y a-t-il des sujets à traiter prioritairement ? Quel doit être le ton du livre ? « C’est vous l’expert », me répond la responsable éditoriale d’ENI. A moi de définir l’intégralité de mon livre, et une relectrice sans connaissance spécifique sur le sujet en fera une relecture critique.
Dix pages, ce sont déjà environ 20.000 caractères, ce n’est pas rien. Et sans garantie aucune d’écrire le reste du livre, car il est toujours possible que cet essai soit refusé.
Je choisis donc un sujet que je pourrai publier sur mon site si jamais il n’est pas retenu par l’éditeur. Et j’inaugure immédiatement le modèle que suivra chaque chapitre de mon livre sur le management de projet :
- 1 exemple de projet qui a échoué (le système Socrate de la SNCF)
- 1 analyse de la situation (faire un inventaire de l’existant)
- 1 squelette de document (une analyse préliminaire)
- 1 mise en situation
J’envoie mon essai et… patatras : le chapitre choisi est bien, mais n’est pas assez dans le coeur du sujet. Il faut donc un essai sur un autre chapitre. Je renvoie un autre essai et… boum : il y a trop d’expression proverbiales pour un livre technique (par exemple, un « coup d’épée dans l’eau »). Il y a une image de sérieux à donner dans une collection technique professionnelle. Mais de mon côté, je souhaite démocratiser la gestion de projet !
Notons que les retours peuvent être franchement cassants. L’objectif est d’être efficace et professionnel, donc il n’y a pas d’enrobage : quand ça ne va pas, ça ne va pas. C’est un point à savoir si vous vous lancez dans l’aventure.
La responsable éditoriale d’ENI prend cependant le temps d’expliquer les points à améliorer via des points téléphoniques. Elle a pris des notes, elle sait me dire exactement là où ça ne va pas. Son objectif est de faire réussir le livre, mais pas pour n’importe quel investissement !
La troisième version est enfin la bonne : on signe donc le contrat et on s’entend sur une date de livraison. Une date de livraison ? Hé bien oui, l’éditeur a besoin de savoir à quelle période le livre sera prêt : pas question de le sortir en juillet ou bien de louper un évènement dans mon domaine d’activité (par exemple, un livre sur la nouvelle version d’un logiciel doit sortir à peu près en même temps que le logiciel).
Ecrire un livre, ça prend combien de temps ?
Excellente question ! Sachant qu’on s’engage sur la date dans le contrat d’édition, c’est comme pour les chaussures neuves : il vaut mieux voir un peu plus large qu’un peu serré…
Comment ai-je estimé le temps pour écrire mon livre entier ? C’est simple, j’ai regardé le temps d’édition de mon document d’essai dans les statistiques du tableur. J’ai écrit environ 20.000 caractères en 26 heures. Le contrat d’édition d’ENI stipule un minimum de 250.000 caractères (au final il y en aura 400.000). Par un simple produit en croix, je parviens donc à un temps total de travail de :
- 45 journées de 7 heures
- soit par mois : 5 jours de 7h
- soit par semaine : 1 jour et 6000 caractères (soit environ 3 pages de traitement de texte)
Facile, me direz-vous ! Sauf que…
- il faut tenir le rythme : il y a cette semaine où vous ne trouvez aucun moment pour avancer, et être derrière le planning est stressant
- il y a ce maudit chapitre sur lequel vous bloquez
- il y a cette section qui ne vous satisfait pas et que vous réécrivez 3 fois avant de finalement la faire sauter du livre
- etc.
Mais alors, quel a été le temps de gestation de Gérez vos projets, au final ? Il y a eu :
- 2 mois de définition du contenu, de la ligne éditoriale, écriture de l’essai, signature du contrat
- 8 mois d’écriture proprement dite, mais également de création des schémas et de recherche de photos d’illustration libres de droits
- 1 mois de relecture et d’allers-retours pour amender le texte (avec la relectrice puis en dernier recours avec la responsable éditoriale d’ENI pour les compromis)
- 1 mois de définition des éléments de référencement pour les librairies (2 mois avant la sortie officielle du livre) : titre, sous-titre, résumé, etc.
- 1 mois de PAO, pendant lequel l’auteur doit encore écrire un quizz sur l’ensemble du livre, à destination de la bibliothèque numérique d’ENI (ce sont des questions d’autoformation à chaque fin de chapitre)
Qui a choisi le titre Gérez vos projets ?
Le choix du titre revient à la maison d’édition. L’auteur propose des titres, et la responsable éditoriale répond invariablement non à chaque proposition… avant de faire des contre-propositions !
Alors, comment on choisit un titre ? Voici plutôt comment on ne choisit pas un titre, avec des exemples :
- Devenez chef de projet : trop limitant par rapport au public visé, et personnellement je n’aime pas ce terme de « chef », mauvaise traduction du « manager » anglophone (« gestionnaire de projet »)
- Découvrez la gestion de projet : trop orienté « initiation », donc allant peu dans les détails, tout l’inverse de mon livre !
- La gestion de projet pour les nuls ou Pro en gestion de projet ? Très bonnes idées, mais ces titres existent déjà…
- Pourquoi pas Management de projet ou Gestion de projet tout bêtement ? Impossible de se référencer sur internet avec des titres aussi génériques !
- Etc. (plus de 100 propositions au final).
C’est donc au final sur le titre Gérez vos projets que nous sommes tombés d’accord. Percutant, précis, directif sans trop l’être. Bref, opérationnel. Et ensuite ? Ensuite, il faut se mettre d’accord sur le sous-titre…
Fini d’écrire ! Comment se passe le marketing ?
Une fois le livre bouclé, à moi les affiches en 4 par 3 dans le métro pour vanter les mérites de mon livre : fin des retards sur mes projets, maîtrise des coûts, chance au jeu, retour de l’être aimé… non là je m’égare.
Renseignements pris auprès de l’éditeur, il n’y aura pas d’affiche 4 par 3. En fait, il n’y aura même pas d’affiche. Le marketing sera assuré comme pour tous les livres d’ENI par :
- une newsletter envoyée par ENI à ses clients
- la mise en avant du livre sur le site d’ENI pendant un mois
- des publicités sur internet
- un service de presse : envoi d’une dizaine d’exemplaires du livre aux influenceurs indiqués par l’auteur
- la possibilité de donner accès à la version numérique
Et mon affiche 4 par 3 ? Hé bien, ce sera à l’auteur de travailler. ENI est une petite maison d’édition, qui tire chaque livre à plus ou moins 500 exemplaires. On ne parle pas du dernier roman de Guillaume Musso. Il faudra donc retrousser ses manches pour :
- envoyer une newsletter à mes propres lecteurs
- démarcher les auteurs de blogs sur la gestion de projet, professeurs d’université, etc.
- donner des interviews, par exemple pour Flottes Automobiles ou Bien dans mon travail
- écrire des articles sur des sites de référence : Silicon, Chef d’entreprises, Cadre et dirigeant
- parler du livre quand je donne des formations
- etc.
Ecrire un livre, ça rapporte combien ?
Je vous vois venir : vous avez fait défiler tous les autres titres jusqu’à tomber enfin sur celui qui parle d’argent, vil(e) capitaliste ! Hé bien je répondrai simplement : j’écris maintenant depuis ma chambre d’hôtel aux Bahamas, les pieds dans l’eau d’un lagon aux eaux translucides, une piña colada posée à côté de moi…
Vrai ? Pas du tout.
Comme je ne suis pas certain que l’éditeur souhaite diffuser les montants exacts, je vais simplement citer quelques données indicatives :
- ENI procède à des tirages entre 500 et 1500 exemplaires (auteur débutant ou confirmé)
- Le seuil de rentabilité d’un livre est de 300 exemplaires (c’est-à-dire que compte tenu des frais fixes d’impression, aucun éditeur n’imprime à moins de 300 exemplaires)
- je perçois 10% du prix de vente, montant hors taxe, et sur cette rémunération sont en outre prélevées les cotisations sociales (Agessa)
- Claude Bartolone a vendu 268 exemplaires de son livre
- Christine Boutin a vendu 38 exemplaires de son livre
Mais alors, si ce n’est pas pour l’argent, pourquoi l’ai-je fait ?
D’abord, parce que cela m’a permis de faire un état des lieux complet et homogène de toutes mes connaissances sur le sujet.
Ensuite, parce que je suis fier d’avoir pu mener à son terme un projet d’une telle ampleur. Mine de rien, il faut une sacrée organisation pour boucler un livre entier.
Enfin, car j’ai obtenu avec ce livre une reconnaissance certaine. Personne ne doute de la légitimité d’une personne qui a écrit un livre (que ce soit dans une conférence, un salon professionnel, une formation, pour un job…).
Quels conseils donnerais-je à un nouvel auteur ?
Si vous souhaitez vous lancer, voici mes conseils pour bien vous organiser :
- sachez tout d’abord que tout est négociable dans un contrat : par exemple si vous souhaitez réduire le droit de préférence, il suffit de le demander
- faites un planning avec des dates cibles et le volume de travail que vous avez prévu d’atteindre : ainsi vous saurez si vous êtes dans les temps ou non
- fixez le moment de la semaine où vous travaillez sur votre livre, pour éviter de vous laisser dépasser
- débroussaillez le plan d’ensemble de votre livre avant de commencer à rédiger : vous verrez que votre plan va beaucoup évoluer au fil du temps
- soyez synthétique : rappelez-vous cette citation d’Antoine de Saint-Exupéry : « La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer ».
- Demandez le gabarit d’écriture avant de commencer à écrire : vous aurez ainsi immédiatement les bons styles, ce qui vous évitera d’avoir à copier-coller d’un modèle à l’autre en cours de route
- préparez la sortie de votre livre à l’avance en contactant des personnes susceptibles de donner de la visibilité à votre travail
Pourquoi vous DEVEZ écrire un livre ?
Si c’était à refaire, est-ce que je le referais ? Oui.
Ne croyez pas que pour être un expert dans un domaine, il faut sortir d’une grande école ou avoir travaillé dans certains types d’entreprises. Quand on est passionné, quelques années d’expérience suffisent pour acquérir une solide maîtrise d’un sujet.
Cet article vous a donné les grandes lignes du projet d’écrire un livre : osez le faire ! N’hésitez pas à contacter ENI, ils cherchent toujours de nouveaux auteurs.
Et pour garantir le succès de votre projet de livre, vous aurez besoin du livre Gérez vos projets pour bien vous organiser ! Voici la page pour acheter le livre sur le site d’ENI. Mais promis, si vous arrivez jusqu’à l’édition, j’achèterai le vôtre en retour ! (l’entraide, c’est important !)