Ha ! L’univers riant et plein de délices des contrats, leurs clauses contractuelles et leurs règles juridiques ! Qui ne rêve pas de lire un article tout entier consacré à cet épineux sujet ?
Trêve de plaisanteries, si vous devez faire appel à un prestataire, continuez de lire ! Vous apprendrez comment cadrer votre idylle naissante, définir les droits et les devoirs de chacun et éviter le lancer de vaisselle à la fin de la relation.
Pourquoi faire appel à un prestataire ?
Chez nous, on fait tout nous-mêmes !
Oui, et on le fait mal !
Personne ne sait faire :
- et de la RH
- et de la communication
- et de l’informatique
- et de la production
- et…
Une petite entreprise n’a pas la taille suffisante pour employer un expert à plein temps dans chaque domaine.
Une grande entreprise est plus rentable en se spécialisant sur son coeur d’activité. Les banques et les assurances ont d’ailleurs été parmi les premières à externaliser entièrement leurs services informatiques à des prestataires ou des filiales dédiées.
Les technologies évoluent si vite qu’il est plus simple de louer les services d’un expert plutôt que de l’employer. Songez aux vagues successives d’iPhone, à la durée de vie d’un site web ou d’une application pour smartphone.
De plus en plus de contrats d’éditeurs de logiciels se nouent en mode « SaaS » (« Software as a service ») : on paie une licence pour utiliser le logiciel pendant un temps donné. Si on ne paie plus, on ne l’a plus. Imaginez-le comme le prêt d’un livre à la bibliothèque : c’est la bibliothèque qui gère le bon état du livre, investit dans les nouvelles éditions, organise le service des bibliothécaires. L’emprunteur bénéficie du service à la carte, en échange d’une contrepartie financière.
Qu’on le veuille ou non, toute organisation est donc bel et bien amenée à sous-traiter ! Mais plutôt que de subir la sous-traitance, organisons-la. C’est l’objectif du contrat et de ses multiples clauses juridiques.
Quels sont les risques à sous-traiter ?
Mauvaise gestion des données personnelles, accès frauduleux aux bâtiments, incompatibilité des processus ou produits, envol des coûts… Les risques à sous-traiter sont pléthore !
Mais le risque le plus grand de tous, le Sauron de tous les risques, c’est l’absence de contrat ou sa médiocrité. Le contrat, c’est la loi de votre relation avec votre prestataire ! Tout ce qui n’est pas écrit est nul et non avenu. Et ne croyez pas que les lois nationales vous couvrent : vous pouvez vous faire rouler dans la farine tout à fait légalement !
C’est pourquoi il faut un contrat, pour définir vos exigences, et les formaliser par écrit !
Que se passe-t-il si…
- … mon prestataire a déjà un modèle de contrat et ne veut pas le modifier ? Si certaines clauses sont inacceptables ou au contraire manquantes, il faut remettre ce prestataire en concurrence.
- … mon entreprise n’a pas de service juridique ? Pas de souci, la négociation d’un contrat fait surtout appel au bon sens (et un peu de veille juridique, les sources ne manquent pas : Legifrance, CNIL…). Si le contrat est complexe, faites appel à un juriste ou un avocat.
Vous allez trouver ici la liste des points de vigilance à vérifier dans tout contrat.
Cadrez le besoin et fixez les objectifs
La notion de prestation correspond à 2 réalités :
- Externaliser : c’est faire assurer une fonction entière de l’organisation par un tiers. Il peut s’agit de la fonction communication, formation, téléphonie, gardiennage… C’est un projet complexe à mener, qui s’inscrit sur le long terme (plusieurs années).
- Sous-traiter : c’est déléguer un service précis à un tiers. Il peut s’agir de l’accès à un logiciel de CRM, un système de visioconférence, etc. C’est un engagement plus court (un an).
Avant tout projet de contrat, il faut définir précisément le besoin :
- Que veut-on faire ?
- Pour combien de temps ?
- Avec quel budget ?
- etc.
Aidez-vous si besoin de cette page sur le cadrage des besoins.
Le contrat doit fixer des objectifs, avec des éléments tangibles à fournir. C’est évident, facile, simple ? Et pourtant…
Les contre-exemples sont légion :
- La livraison d’un bâtiment se fait-elle avec ou sans les poignées de portes, les plinthes, les rampes d’escalier ?
- La livraison d’une autoroute inclut-elle les panneaux de signalisation, les rambardes, les postes de secours ?
- La livraison d’un logiciel comprend-elle les paramétrages, les schémas techniques, la documentation utilisateur ?
Divisez la prestation en lots et mettez en concurrence !
Essayez de diviser la prestation en lots. Par exemple pour carreler une surface commerciale, on peut imaginer de créer deux lots :
- un lot pour les fournitures : carrelage, colle, etc.
- un lot pour la pose du carrelage proprement dite
Il y a deux avantages à faire un allotissement :
- les prestataires sont remis en concurrence sur des expertises différentes (un prestataire peut être bien positionné sur un lot et pas sur un autre)
- les risques sont répartis entre différents prestataires (mais l’encadrement du chantier doit être bien organisé et suivi)
Liez le calendrier de paiement au planning de réalisation
Quoi de plus désagréable qu’un projet qui dure, un interlocuteur aux abonnés absents, des réclamations des usagers ou des clients qui s’empilent ?
Un planning annexé au contrat évite cette situation. Il doit être précis et contenir au moins :
- La date de début du travail effectif par le prestataire
- Les lots de travail avec une description brève de leur contenu
- Les dates de livraison des éléments de la prestation
- Les rencontres prévues pour la définition des besoins, les démonstrations, etc.
- Les dates où une validation est requise et qu’un paiement est déclenché
Veillez à ce qu’un problème dont est responsable le prestataire puisse bloquer le paiement d’une tranche du contrat. Rien de tel que de frapper au portefeuille pour accélérer la résolution de tous les problèmes ! Inversement, attention à ne pas retenir arbitrairement des sommes ou bloquer tout paiement, ce qui serait contraire au droit et jouerait en votre défaveur.
Suivez l’exécution de la prestation
Comment contacter le prestataire ? Par e-mail ? Par ticket en ligne ? Par pigeon voyageur ? Ecrivez-le clairement en n’oubliant pas de préciser :
- Le nom de l’interlocuteur unique du prestataire, avec le processus qu’il doit suivre pour en changer.
- Comment le contacter : e-mail, téléphone…
N’attendez pas que les problèmes s’amoncèlent pour vous mettre en lien avec le prestataire ! Prenez le taureau par les cornes en le voyant régulièrement via des :
- comité technique : entre le référent métier (utilisateur principal du logiciel, superviseur de la flotte en leasing, etc.) et le référent du prestataire
- comité de pilotage : avec le commercial du prestataire tous les trimestres
- comité stratégique : avec le commanditaire du contrat, et un représentant de la direction générale du prestataire, tous les semestres
Enfin, ne perdez pas la mémoire ! Instituez un suivi du contrat dans un outil centralisé, idéalement chez vous pour conserver l’historique si jamais la relation contractuelle cesse.
Prix à la tête du client ou grille tarifaire ?
C’est une demande supplémentaire…
Cela n’a pas été chiffré…
Ce n’est pas couvert par le contrat…
Vous avez déjà entendu ce type de réponse d’un de vos prestataires ? C’est que vous n’avez pas été assez précis dans la définition de votre contrat. Dans ce cas, bonjour les avenants et les tarifs qui s’envolent en l’absence de remise en concurrence !
Une grille tarifaire normée est ce qui vous permet de parer à toutes les éventualités. Vous pourrez en outre comparer facilement le total de possession entre prestataires lors d’un appel d’offres.
Pensez à inclure également une clause de remise en concurrence régulière du prestataire pendant la durée de vie du contrat.
Pourquoi ?
Les technologies évoluent vite. Pensez au coût des premiers écrans LCD, à l’obsolescence rapide d’un appareil photo numérique, à l’équipement des premières Tesla… Ne vous engagez pas sur des coûts fixes et immuables pour dix ans. Ce serait offrir une rente sur un plateau d’argent à votre prestataire.
Prévoyez également l’évolution des usages. Si vous achetez une licence logicielle, définissez une grille de tarifs en fonction du nombre de licences.
- Si l’usage du logiciel se développe, vous pourrez anticiper l’augmentation des coûts.
- Prévoyez également la possibilité de réduire votre commande en cours de contrat si un aléa se présente : sécheresse, pandémie…
Imposez les normes à respecter
Si vous le pouvez, définissez les normes et critères de qualité à utiliser.
Si les normes évoluent rapidement dans votre secteur, utilisez le terme d’état de l’art. Votre prestataire doit fournir un service, des produits, des processus à l’état de l’art au moment de leur livraison, c’est-à-dire respectant les plus hauts niveaux de qualité disponibles.
Définissez une convention de niveau de service
Une convention de niveau de service (ou SLA : Service-Level Agreement) définit le niveau de services attendu du prestataire.
C’est l’équivalent d’une garantie sur la qualité du service fourni :
- périmètre fonctionnel couvert
- durée de garantie
- etc.
Adossez à cette convention de niveaux de services des pénalités si les performances sont insuffisantes. L’objectif n’est pas tant d’obtenir une compensation, que de pouvoir agiter le bâton pour obtenir un meilleur service.
Listez vos référentiels uniques
Qu’est-ce qu’un référentiel ? C’est une base de données ou un annuaire :
- annuaire des employés (pour la paie)…
- annuaire des clients (CRM)…
- annuaire des fournisseurs (SRM)…
Les référentiels sont partout dans la vie d’une organisation !
Mais pour un prestataire, le plus simple est de recréer chez lui la liste de vos employés nécessaire à son fonctionnement… Plutôt que de comprendre votre structuration interne pour l’utiliser, il va recréer un référentiel chez lui. Résultat ? Vous héritez d’autant de référentiels que vous avez de prestataires
Ces référentiels tiers seront-ils à jour par rapport au vôtre ou bien truffés d’entrées obsolètes ? Lequel sera le référentiel officiel : le vôtre, celui du prestataire A, du prestataire B ? Vous l’aurez compris, c’est le cauchemar assuré !
Pour éviter cette situation, il faut tout préciser dans le contrat ! Listez donc :
- Votre annuaire pour l’authentification unique (SSO) : vous utilisez déjà, peut-être sans le savoir, un annuaire informatique pour la connexion à vos postes de travail (LDAP, AD, CAS…). Indiquez lequel.
- Les référentiels existants : à utiliser comme source : liste des salariés, plannings, plans des bâtiments, plans électriques, etc.
- Et si des référentiels seront créés dans le cadre du contrat : dans ce cas listez lesquels, ce qu’ils contiennent, et faites en sorte qu’ils soient stockés chez vous pour ne pas les perdre en cas de rupture contractuelle.
Attention à la sécurité !
Dans votre relation contractuelle, pensez à la sécurité sous toutes ses formes :
- Accès aux locaux : qui ? avec des badges ? jusqu’à quelle heure ? etc.
- Accès au système d’information : qui ? depuis leurs locaux ? quand ? à quelles ressources ?
- RGPD et confidentialité des données : données RH, procédés industriels…
- Sécurité des moyens informatiques du prestataire : antivirus sur les postes clients, sécurité de leur hébergement web, etc.
- Sous-traitance : le prestataire peut-il faire appel à un sous-traitant ? Localisé où ? etc.
- Sauvegarde des données informatiques (backups) : que se passe-t-il si le bâtiment du prestataire brûle ou est inondé ? etc.
- Propriété intellectuelle : droit d’auteur, propriété de la solution, des données, limitations de durée, de territoire, etc.
Anticipez le renouvellement ou non du contrat
Précisez les conditions de renouvellement du contrat :
- Renouvellement tacite (non recommandé) ou explicite ?
- Préavis et date de renouvellement ?
- Durées d’engagement initial, de renouvellement ?
Prévoyez la réversibilité de la prestation
Imaginez que vous travaillez avec le même prestataire pendant 10 ans… Tout se passe à merveille, tout le monde se connaît, la confiance règne. Oui mais voilà, une cause extérieure vous oblige à rompre cette belle entente : embargo, mauvaise image du prestataire, rachat par un concurrent…
Que se passe-t-il ? Est-ce que le prestataire a les clés de la maison ? Peut-il vous mener à la faillite en prenant en otage votre système d’information, votre processus de paie, l’accès à vos bâtiments ?
Vous devez garder la main sur ce que vous externalisez :
- Dans votre entreprise, un expert du même domaine que le sous-traitant doit le superviser
- Le prestataire doit mettre en œuvre prioritairement des solutions standards disponibles sur le marché
- Vous devez refaire régulièrement des mises en concurrence
- Vous devez prévoir une clause de réversibilité pour reprendre l’activité sous-traitée ou la transférer à un autre prestataire.
Précisez les conditions de sortie du contrat. Deux cas doivent être prévus a minima :
- à l’échéance du contrat
- par rupture anticipée : en précisant les causes, les délais, les contreparties financières ou autres, etc.
Dès la contractualisation, organisez la suite du contrat. Précisez :
- les modalités de reprise en interne ou par un autre prestataire de la fonction externalisée : transfert des données, services, matériels…
- quel est le régime de propriété intellectuelle pour ce qui a été produit dans le cadre du contrat : droit d’auteur sur les documents, amélioration de processus ou de produits…
- le coût de l’application de la clause de réversibilité le cas échéant
- l’établissement d’un récapitulatif de l’état du service ou produit, les travaux en cours (anomalies, etc.).
- le prestataire doit fournir un document certifiant la destruction des données ou du support physique de stockage des données
Mon contrat est bien ficelé, et c’est quand même la guerre !
En cas de problème avec votre sous-traitant, devez-vous ouvrir les sabords du contrat et tirer à boulets rouges sur lui ?
Pas du tout ! Etonnante réponse, non ? L’intérêt d’un contrat bien cadré, c’est d’avoir la loi pour soi. Sachez néanmoins rester souple et flexible :
- Votre objectif ne doit pas être d’avoir raison ni de gagner le montant des pénalités.
- Votre objectif doit être de trouver une solution qui répond à votre besoin.
Actionner le mécanisme des pénalités ou lancer une action en justice sont des procédures longues, complexes, coûteuses financièrement et humainement. En général à l’arrivée, tout le monde est perdant.
Faites le choix d’une relation équilibrée et de confiance, et non d’une relation maître-esclave. Travaillez avec des partenaires et non des sous-traitants !
Quelques sources :
- Guide de l’achat public (Direction des Achats de l’Etat)
- Travailler avec un sous-traitant dans une collectivité, Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
- Gérez vos projets : chapitre « Internaliser, prester, sous-traiter ? »